wandrille

Album papier bien, publication internet pas bien.

Qu'est ce que la bande dessinée ?

C'est vrai, finalement, c'est quoi ?

Quand j'étais enfant, une bande dessinée, longtemps, c'était un album cartonné avec des cases en couleurs, ou des personnages parlaient dans des bulles.

Et puis j'ai grandi, et j'ai découvert que parfois les personnages ne parlaient pas, ou pas dans des bulles, qu'il n'y avait pas toujours besoin de cases, qu'un album n'était pas forcément composé du même nombre de pages immuables, que ça pouvait très bien être en noir et blanc et qu'il existait une infinité de types de dessin, qu'on pouvait utiliser des outils très différents de l'encre et du crayon : de la peinture, de la gravure, de la carte à gratter...

J'ai lu du comics, et j'ai trouvé que ça ressemblait beaucoup à de la bande dessinée. Peut être parce que ça en était.

J'ai lu du manga, dans les deux sens, et finalement, j'ai trouvé que ça ressemblait aussi pas mal à de la bande dessinée.

Pendant ce temps là, des gens tentaient de faire bouger les mentalités dans ce sens.

Des passionnés de manga qui montraient que la bd nippone n'était pas cantonnée à des trucs violents et pervers (quand bien même, ce serait déjà super chouette si ça se limitait à ça, je dis ça en tant que pervers notoire)... Des fans de comics qui affirmaient bien haut la valeur de graphic novel ou d'histoire de super héros qu'on a pu découvrir au cinéma bien digérée.

Et puis des indépendants qui se battaient bec et ongle pour faire passer une bande dessinée centrée sur l'intime, en noir et blanc, dans des formats inédits.

Tout ça m'a enthousiasmé et j'ai voulu faire pareil.

Vu que personne ne voulait trop de mes petites oeuvres (à part le fabuleux Christian Humber Droz du Drozophile, loué soit son saint nom), j'ai fait aussi mon truc indé... Et puis, comme publier ça prend du temps, j'ai commencé à faire des petites bd sur mon ordinateur, entre midi et deux au bureau, je les ai envoyées par mail, à cinq puis dix, puis cent, cent cinquante personnes (j'ai plein d'amis).

Là j'ai découvert le blog et je me suis aperçu qu'on pouvait raconter des histoires sur internet et toucher un lectorat avant même d'avoir imprimé la moindre ligne. J'ai dessiné avec une souris et j'ai bien aimé ce que ça donnait.

D'autres gens faisaient la même chose à ce moment là et, moi qui me demandais dans les festivals de bd où étaient mes amis dans la bande dessinée, j'ai découvert que je partageais avec ces gens là une même vision de ce que c'était faire de la bande dessinée aujourd'hui. Et que certains étaient des amis, une famille d'auteur. On essayait des trucs en profitant des spécificités de ce nouveau support. Je me suis dit que ce serait chouette, qu'on allait faire des nouvelles choses (ce en quoi je me suis peut être trompé) et que les gens qui m'avaient donné envie de faire de la bd allaient s'engouffrer dans ce nouveau truc. Mais non. A l'exception de Trondheim, l'ancienne nouvelle vague est prudemment restée sur la rive, ignorant ce qui se passait hors du papier. Et puis, quand le succès venu, il n'a plus été possible d'ignorer le phénomène, au lieu de rattraper le train, ils l'ont méprisé : trop rapide, trop bruyant, superficiel... indigne de la vraie bande dessinée. La vieille garde rejetant la jeune garde. La grande famille de la bande dessinée papier contre les sales métèques de l'édition web, tout en accueillant dans ses rangs ses meilleurs éléments, mais, surtout, sans avoir l'air d'y toucher... (comment Erwann Surcouf serait un blogueur ? Quoi Aude Picault aurait publié sur internet ? Benjamin Adam aurait quelque chose à voir avec le blog 2 milligrammes...)

Le lectorat classique lui a en partie suivi et un nouveau lectorat a pris la relève, des gens qui ne lisaient pas de bd, qui ne rentraient jamais dans une librairie bd et qui, du jour de l'édition papier de certains blogs, se sont mis à fréquenter ces lieux de perdition.

Les libraires auraient pu se réjouir de ces nouveaux lecteurs. Mais non. Ils ne lisaient pas de la "vraie" bande dessinée.

Alors je me suis posé des questions... Qu'est ce que c'est donc la "vraie" bande dessinée ?

Est-ce de la bande dessinée faite à la main sur du papier ? Non, parce que la bd blog a souvent été réalisée de la sorte. Est-ce que c'est de la bd qui respecte un format particulier ? Non, puisque certaines créations homothétiques bd ont été faites et publiées sur internet...

Alors quoi ?

Ah, oui... c'est la bande dessinée qui a D'ABORD été publiée en album.
Qui a convaincu un éditeur, puis un libraire, AVANT de convaincre un lecteur.

Incroyable, mais vrai.
La bande dessinée, attention, ce n'est pas des histoires racontées en dessins, ou le dessin n'est pas que la simple illustration du texte, non : la bande dessinée c'est un ALBUM de bd.

On croit rêver.

Nous sommes dans un pays très démocratique depuis peu... La France a longtemps été une monarchie et, quoi qu'on en dise, on est encore très attaché aux privilèges chez nous. Alors la vox populi... Le succès populaire est souvent synonyme de mépris.

Quoi d'étonnant à ce qu'une certaine élite auto-proclamée de la bande dessinée éditée (puisque c'est elle qui s'arroge le droit de juger) méprise une bande dessinée dont le succès est directement sanctionné par le succès du public.

Comment ne peut-elle pas se dire qu'il y a un vrai problème quand le "prix du public" d'Angoulême est directement attribué par... le public ! Quelle horreur. Vous vous rendez compte que c'est le public qui vote ? Et qu'on le laisse attribuer un prix ?

Il y a de quoi vomir.

Le prix du public attribué par le public. Excusez moi, j'ai encore du mal à m'en remettre. +o+.gif

Alors l'an prochain, c'est fini les conneries, le prix du public ce sera un prix copinage attribué par les acteurs majeurs du secteur : trois auteurs estampillés "bon goût", une journaliste de Télérama, un journaliste des Inrocks, un éditeur mainstream soft, des libraires exigeants et surtout, surtout, personne n'ayant de rapport de près ou de loin avec la création internet. Faut pas déconner, l'internet fait du mal au livre, et le livre, c'est sacré.

Parce que c'est ça le souci. Ce qui est bien, ce n'est pas la bande dessinée, c'est le livre de bande dessinée.

Comment ne pas se dire qu'effectivement, une bande dessinée gratuite, offerte, ne peut être décemment bien reçue par des gens dont c'est le gagne-pain : éditeur, libraire, auteur.
Même s'ils en profitent après quand les productions web finissent par être éditées...

Le plus triste, c'est que les plus remontés de tous, ce sont les militants de l'avant-garde de la veille. Un grand classique : les révolutionnaires d'hier font les réac d'aujourd'hui.
Et de voir leurs fans se comporter comme des vieux et vous dire que la bd d'avant, c'était mieux etc...

Non, la bd mes amis, ce n'est pas une histoire racontée par le dessin, ce serait trop facile. Non, la bd ce n'est pas un auteur et son lecteur.

La bande dessinée, comme le disait si bien il y a deux ans un représentant élu de la Région Charente lors de la remise des prix du festival, la bd c'est un secteur économique.

Et le secteur, il aime pas trop bien les lecteurs gratuits et les auteurs bénévoles.
Surtout s'ils ont du succès.


EDIT :
bon bien sûr, tout cela est une vision très parti pris, elle aussi... Du coup assez caricatural. Certains me reprocheront de faire l'apologie du blog gratuit et le procès du téléchargement illégal... je répondrait bien entendu que dans le cas du blog, il y a un don volontaire de l'auteur... ce qui fait une grosse différence tout de même.

Je reprend la très juste remarque de Monsieur Barte Allan, qui nous fait remarquer que si il y a objectivement un tombereau de merde au niveau de la production blog, on peut la mettre en regard de la montagne de daube de l'édition papier, laquelle en plus est payante.

D'autre part, il y a un truc survolé qu'il est bon d'approfondir, c'est que dans les croisés antiblog, il y a d'un côté les aigris de la production papier qui se sentent dépassées par le succès de leur benjamin en ligne, mais aussi et surtout les intégristes du livre.

Ah oui, le livre, une belle chose, un bel objet, un merveilleux support. Mais quand le support devient l'objet de l'adoration et non plus son contenu, on peut légitimement se demander si l'amour que l'on prétend porter à la bande dessinée n'est pas en fait un amour de bibliophile, c'est à dire de collectionneur.

Et s'il y a bien un truc dégueulasse et pervers, c'est la collectionnite. Le soin jaloux de la possession, la jouissance de la propriété, la mise sous célophane de la bande dessinée, rien de plus débectant à mon sens, rien de moins raccord avec un art vivant et transmissible. Car la grande vertu de l'édition web c'est cela, une véritable vivacité, une transmissibilité à tous et une non-propriété.

En fait, le blog, c'est un truc de communiste.

Le coup classique



Spécial casse dédi to louna.

Appel de détresse



OH MON DIEU ! J'ai quasi omis de préciser qu'il y a UNE NOUVELLE PLANCHE DE FERNAND EN LIGNE spécial picnic sauvage